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Info franceinfo Tentative de meurtre par des militaires de la DGSE : le commanditaire présumé arrêté

Article rédigé par Eric Pelletier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le siège de la DGSE, les services secrets français, boulevard Mortier, à Paris. (- / DGSE)

Un coach en entreprise, interpellé vendredi, est interrogé à la brigade criminelle. Il est soupçonné d’avoir commandité l’assassinat d’une concurrente, Marie-Hélène Dini, qui avait échappé de peu à la mort, le 24 juillet 2020.

Une affaire digne d’un roman d’espionnage. Plusieurs personnes ont été placées en garde à vue au cours de la semaine écoulée dans le cadre d’une tentative de meurtre imputée l’été dernier à deux militaires de la DGSE, les services de renseignement extérieurs français. Parmi les suspects interpellés après six mois d’enquête de la police judiciaire parisienne figure un homme présenté comme le commanditaire de ce "contrat". Il a été arrêté le vendredi 29 janvier, selon les informations de France Télévision.

L’affaire prend corps le 24 juillet 2020, à Créteil (Val-de-Marne) à l’occasion d’une banale intervention de police. Ce jour-là, deux hommes sont arrêtés dans leur voiture, une Clio volée. Habillés de vêtements sombres, gantés, ils sont soupçonnés de préparer un cambriolage. Au pied du siège passager, dans un sac de sport, un pistolet Browning, une balle engagée dans le canon et un silencieux bricolé. La brigade criminelle de Paris hérite du dossier.

Deux "cambrioleurs" qui appartiennent à la DGSE

Placés en garde à vue, les deux "cambrioleurs" revendiquent aussitôt leur appartenance à la DGSE. Vérification faite, ils disent vrai : ces caporaux, Pierre B. et Carl E., sont bel et bien affectés à la surveillance de la base de Cercottes, dans le Loiret, le centre parachutiste d’entraînement spécialisé du service Action. Ils répondent aux pseudos d’Adelard et Dagomar. La suite est à peine croyable.

Si Adelard et Dagomar étaient en planque à Créteil ce matin-là, c’était de leur propre aveu pour… assassiner une femme, coach en entreprise, en raison des liens qu’elle entretient − selon eux − avec le Mossad, les services secrets israéliens. Une mission "homo" dans le jargon de l'espionnage, une opération en théorie prohibée sur le sol français. Ils ont songé à l’empoisonner, à la jeter d’un pont, à poser une bombe sous sa voiture ou encore à simuler un accident de la circulation. Pour organiser le guet-apens du 24 juillet, à proximité de son domicile, ils avaient pris soin de placer une balise sous la voiture de leur cible.

La cible : une cheffe d'entreprise qui appartiendrait au Mossad

La mystérieuse "espionne" qu’il doive à tout prix éliminer se nomme Marie-Hélène Dini. Elle a 54 ans, mène une vie paisible et ne se cache pas. Lorsque les policiers apprennent à cette cheffe d’entreprise qu’elle vient d’échapper à la mort, cette dernière tombe des nues. En septembre 2020, elle se confie à France Télévisions, évoquant le choc de cette annonce et les "semaines de terreur" qui ont suivi.

En fouillant dans la vie de la victime, les policiers ne découvrent pas la moindre connexion avec le monde de l’espionnage. En revanche, ils notent que cette cheffe d’entreprise a été la cible, le 24 octobre 2019, neuf mois avant la tentative de meurtre, d’une agression violente, un vol de sac à l’arraché d’une grande violence. Un avertissement ?

L’enquête progresse rapidement. Des complices présumés, au contact direct des deux militaires de la DGSE, sont rapidement identifiés. Ces derniers évoluent dans le monde des sociétés de sécurité. L’un des suspects était spécialiste en faux documents, au sein de la DGSI, le renseignement intérieur. Un autre a monté sa propre entreprise de sécurité. Lors d'une perquisition, les enquêteurs découvrent dans son garage une moto et un scooter volés. Malgré les moyens déployés, les investigations ne parviennent pas à dépasser ce premier cercle de barbouzes présumés : celui des opérationnels. Les enquêteurs peinent à remonter jusqu’au commanditaire.

Un "contrat" à 50 000 euros pour éliminer une concurrente ?

Le 21 janvier 2021, coup de théâtre : la compagne d’une des personnes incarcérées finit par livrer le nom d’un homme jamais apparu jusque-là dans les investigations. Et ce nouveau venu fait considérablement progresser le cours de l’affaire. D’où la série d’interpellations dans son cercle proche cette semaine.

Parmi les personnes arrêtées, un ancien commandant de la DGSI reconnaît être intervenu dans le "contrat" visant à éliminer Marie-Hélène Dini. Une mort sur ordonnance pour environ 50 000 euros. Vendredi, le commanditaire présumé est arrêté à son tour. 

Mais pour quel mobile ce coach en entreprise exerçant en région parisienne aurait-il agi ? La piste privilégiée par la justice est désormais celle d’un contentieux dans le monde de la formation et de l’accompagnement de salariés. "Nous avons appris que de nouveaux développements sont intervenus dans ce dossier qui mettent à néant les ridicules explications données par les mis en examen selon lesquelles ils agissaient pour l'Etat et la DGSE. Tout aujourd'hui indique que nous sommes en présence d'une tentative crapuleuse d'éliminer une concurrente", ont réagi samedi Joseph Cohen-Sabban et Jean-William Vezinet, les avocats de la plaignante, sollicités par France Télévisions.

Au moment de son agression de l’automne 2019, puis de la tentative d’homicide dont elle a été la cible, Marie-Hélène Dini tentait de professionnaliser et de moraliser les pratiques du secteur en créant un syndicat professionnel du coaching. Initiative qui a déplu à plusieurs concurrents craignant de ne pas être labellisés. Leur survie financière était en jeu. D’où un vif ressentiment. Au point de lancer un contrat sur la tête de Marie-Hélène Dini ? Avec ces récentes gardes à vue, l’affaire est peut-être entrée dans sa dernière ligne droite.

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